[spectre] From Kosovo to Lebanon (Baudrillard, in Lib é ration, 1999)

Louise Desrenards louise.desrenards at free.fr
Sun Aug 27 14:29:12 CEST 2006


Deal all,

The question of Lebanon after the cease-fire getting more confuse than never
during the war, any reflections are coming soon...


On one hand:

Besides to notice that Wolfowitz, emergence of the Defence of the United
States today in the head of the World Bank, has accompanied Rice on the
meeting of Rome, declaring that the World Bank would pay. On the other hand,
same declaring a bit further to the Press that the United States did not
honor any more their part of contribution for compensate the cancellation of
the debt of the poor countries that linked to the result of 2006 G8 of St
Petersburg having dissociated itself from its engagement from rich to poor
countries, we indeed wonder which ( who ) will pay the reconstruction of the
Lebanon under the poster of a generous American donation for the
reconstruction of the Lebanon, declared by mister Bush, otherwise the World
Bank - that is, essentially the tribute of Europe if American participation
in this frame is obvious by no means.

May be the profitable vicious recycling: unless the fit of Arabian
petrodollars for Texan profit at Wall street, thanks the war, to return in
the Middle East after the war...

At whom do they laugh?


On the other hand:

I looked in vain for a translation in English of Jean Baudrillard's second
text on the war of Kosovo, out in the French newspaper Liberation issue of
April 29, 1999. On the contrary, I found requests asking for information on
this text, in the university and critical reference sites on Internet.

Omitting that Baudrillard is not more an adept of the States as of
nationalisms, just at the moment this article was writing, it made a sort of
scandal by misunderstanding the objects (may be the cause that it has not
been immediately translated). Today reading this text, as we know how
Balkans become after all, obviously it is mostly predictable of the western
cultural and political hegemony submitted by US domination.

Finding that this French-speaking original version of 1999 is relevant to
look at the way the current war of the Lebanon turned since the cease-fire,
among which the evident exclusions of the allied nearby countries of
Lebanon, ( Syria ‹whatever a laic country‹, Iran ‹whatever the nuclear‹ ),
of Palestine ( the prisoners of Gaza ), and of  Lebanese Hezbollah, as well
as " Moslem countries which are not allies of Israel ", in the international
process of order delivery to Lebanon, under the allegiance of its colossal
debt for capital assigned to its reconstruction, I thought useful to put
back online this francophone text, so that English-speaking friends maybe
can translate it correctly for an original publishing online to the common.

That does not tell all but mostly a part from a certain point of view.

L.

Here it is:


-----------------

" Partout en Europe, les minorités ethniques sont en voie de disparition.
Tous les Etats en tant que tels ne peuvent qu'être fondamentalement
complices de Milosevic.

 
Duplicité totale de cette guerre
 
Par JEAN BAUDRILLARD
Le jeudi 29 avril 1999
 
 
 
 
 
        Il faudrait quand même extraire les raisons cyniques de cette
«guerre», les raisons inavouées de cette intervention qu'on dit être un
échec, qu'on dit catastrophique sur tous les plans. Et justement, c'est là
où nous vient un doute cruel sur toute cette mise en scène. Tant d'erreurs
accumulées, tant de tergiversations et d'actes manqués doivent bien avoir un
sens, et cette persistance dans la confusion tactique, dans cette guerre
velléitaire qui rate comme délibérément sa cible (je parle des Occidentaux:
Milosevic n'a pas raté la sienne), tout cela ferait douter de la définition
même de la guerre: la poursuite de la politique par d'autres moyens. Si
cette définition vaut encore, alors tous nos stratèges et nos politiciens
occidentaux sont idiots, ce qui n'est pas à exclure, mais avant d'en arriver
à cette extrémité demandons-nous s'ils ne sont pas au contraire en train de
mener à bien et de réussir une opération parfaitement programmée, qui en
tout cas se déroule comme si elle l'était.

On dit: l'Otan ne fait que des erreurs. L'Europe est incapable d'avoir la
moindre politique concertée. Mais NON, c'est exactement le contraire. Que
fait Milosevic? Il élimine ses minorités, en particulier bien sûr la
minorité musulmane, ce en quoi toute la Yougoslavie «blanche», catholique ou
orthodoxe, est derrière lui. Mais pas seulement la Yougoslavie. Toute
l'Europe est derrière lui. Tous les Etats nationaux européens ont des
problèmes avec leurs minorités de souche ou immigrées qui ne vont pas
s'exténuer bien au contraire. Partout les minorités ethniques,
linguistiques, toutes les singularités sont en voie de disparition ou
d'élimination. Milosevic est le porte-drapeau de la purification, mais elle
est partout à l'¦uvre dans une perspective politique, au-delà de toutes les
rodomontades sur l'autonomie et les droits de l'homme, tous les Etats
européens en tant que tels (je ne parle pas des populations, mais que
sont-elles, sinon la caisse de résonance idéologique et humanitaire de
l'information?) ne peuvent qu'être fondamentalement complices de Milosevic -
quitte à le vomir comme leur mauvaise conscience et à faire semblant de le
châtier parce qu'il fait trop bien (c'est-à-dire trop mal, trop brutalement)
le sale travail. Mais on lui aura laissé tout le temps pour le faire.
Pourquoi regretter inlassablement qu'on ne soit pas intervenu un an, deux
ans, trois ans plus tôt (ça fait quinze ans que ça dure), et pourquoi, par
quelle méconnaissance stupéfiante de la situation, l'Otan a-t-elle engagé
des frappes aériennes sans se douter des conséquences au sol (alors que
tellement d'experts ont dû y réfléchir pendant des mois), et pourquoi ne pas
paralyser immédiatement les forces serbes au sol, au Kosovo, au lieu de
déployer une logistique aérienne plus ou moins inutile? Eh bien, ça crève
les yeux - tout devient clair si on imagine que les frappes aériennes sont
là pour ne pas intervenir au sol ou pour retarder le plus possible
l'intervention - quand tout sera fini. Solana l'a bien dit (sans se douter
qu'il trahissait cruellement la vérité politique de cette guerre): «Nous ne
reprendrons les négociations avec Milosevic (tiens: on ne cherche donc plus
à s'en débarrasser?) que lorsqu'il sera mis fin au nettoyage ethnique» -
entendez bien: lorsqu'il sera achevé. Ce qui se déroule implacablement. Dans
ce sens, cette guerre - ou du moins l'opération qui sous-tend cette guerre
qu'on nous donne à voir - se déroule de façon optimale, quasiment
programmatique. Parce que Milosevic est l'exécutant de la politique
européenne, la vraie, la seule, celle d'une Europe blanche, propre, expurgée
de toutes les minorités - politique négative, politique exclusive et
intégriste, mais pourquoi se faire des illusions, l'Europe n'a aucune idée
positive d'elle-même, l'Europe n'est que hantée par le spectre de l'Europe
-, pour toutes ces raisons nous faisons semblant de le combattre, mais
toujours trop tard et mal. De toute façon, ce n'est pas fini: après le
Kosovo, le Monténégro, comme ailleurs le Kurdistan, la Palestine, etc. (la
tragi-comédie du «processus de paix» au Moyen-Orient relève très exactement
de ce «retardement» indéfini et calculé).

Mais les choses sont encore plus compliquées. Car si l'Europe a une
politique déterminée, sinon délibérée, celle d'une future coalition
d'entités nationales qui auront fait le ménage chez elles (sinon comment se
consolider mondialement face à l'Amérique?), et non pas du tout
multiculturelle et multiraciale, l'Amérique, elle, via l'Otan, a une
stratégie tout aussi déterminée. Après être venue à bout du communisme au
terme d'une troisième guerre mondiale froide et décongelée, après avoir
neutralisé l'autre puissance immédiatement menaçante, le Japon, grâce à une
déstabilisation elle-même largement calculée des places financières
asiatiques, l'Europe est désormais son point de mire, et son objectif celui
de faire échec le plus longtemps possible aux velléités de multinationale
européenne cohérente, qui deviendrait une rivale menaçante. Le meilleur
moyen pour cela est de désunir l'Europe en la prenant au piège d'une guerre
dont celle-ci ne veut pas et qui ruine ses dernières chances, en venant
éventuellement au secours des minorités (Bosnie, Kosovo, Kurdes, etc.), dont
l'Amérique elle-même n'a rien à faire, et dont tout le monde veut
secrètement se débarrasser - l'ennemi public mondial numéro 1 étant de toute
évidence l'Islam et le front islamique, car le seul profondément réfractaire
à la mondialisation en cours -, là est le véritable front de la quatrième
guerre mondiale. On négociera donc inévitablement avec Milosevic, on le
laissera survivre (tout comme Saddam Hussein) moitié pour consolider le
nettoyage, moitié pour brouiller les cartes de l'Europe. Même la présence au
sol d'une force internationale (dont on connaît toute l'ambiguïté dans la
continuation des massacres en Bosnie) n'y changera rien. L'Amérique sait
donc parfaitement ce qu'elle veut - c'est à croire que les experts du
Pentagone sont des génies (même politique à travers Israël: maintenir
partout les abcès de fixation et de déstabilisation, faire la police en se
faisant à la fois le champion des victimes et le complice des bourreaux).
Mais il n'en est rien: c'est le cours inéluctable du Nouvel Ordre mondial
qui veut cela, et ils n'en sont que les opérateurs. Quant aux Européens,
impliqués (mais on a vu avec quelles arrière-pensées) dans l'action de
l'Otan, qui travaille à leur déconfiture, ils plongent dans une situation
confuse et insoluble. Chaque Etat est pris aujourd'hui entre deux ennemis au
fond: ses propres minorités et l'Amérique. Gérer à la fois le Nouvel Ordre
mondial à son échelle (éliminer tous les éléments hétérogènes et
réfractaires) et subir les effets d'une mondialisation à grande échelle,
dont l'Europe telle qu'elle se profile est à la fois le relais et la
victime. C'est plus ou moins sans espoir. Reste le refuge de la coalition
humanitaire, à défaut de politique cohérente - autre contradiction
pathétique, car secourir les victimes en tant que victimes ne fait que
consacrer le succès de l'opération de nettoyage. Mais Benetton va pouvoir y
ressourcer sa publicité, et chacun, «en arrêtant de fumer et en reversant
l'équivalent aux Kosovars, pourra sauver deux vie en même temps»!
Il y a donc une duplicité fondamentale de cette «guerre», dont la moindre
n'est pas de nous sommer d'être pour ou contre. Rien ne permet de prendre
parti dans une guerre qui est un leurre, qui se joue pour autre chose et
dont les objectifs sont masqués, inavoués et peut-être même obscurs à la
conscience des uns et des autres. C'est être parfaitement dupe des raisons
cyniques et secrètes de cette guerre, que masquent à profusion et de toutes
parts les commentaires idéologiques, intellectuels et humanitaires. Anéantir
Milosevic? C'est ne pas voir que nous en sommes complices. Arrêter tout,
aller jusqu'au bout de quoi? C'est ne pas voir les subdéterminations de
cette guerre qui n'a jamais véritablement commencé, étant donné qu'on n'a
jamais vraiment voulu en finir, et qui n'est que l'un des multiples épisodes
à venir d'une confrontation cette fois véritablement elle-même. D'où la
difficulté paradoxale de mettre fin à une guerre qui n'est pas la vraie,
dont la duplicité est totale et dont les objectifs n'auront même pas été
atteints - mais qui se déroule en fait, derrière cette duplicité et ces
fausses man¦uvres, exactement comme elle doit se dérouler. Il est donc
absurde, en plein truquage et en pleine désinformation - qui fait elle-même
partie de la «catastrophe humanitaire» (quel lapsus! ou cette catastrophe
est humaine ou c'est l'humanitaire lui-même qui fait partie de la
catastrophe) d'être pour ou contre. Ce qu'il faut dénoncer et percer à jour,
c'est d'abord l'illusion de cette guerre. A la Realpolitik il faut opposer
une Realanalyse - ce qui n'empêche pas la violence des réactions et des
sentiments que peut provoquer cette mondialisation hégémonique. Mais, pour
la combattre, il faut savoir, derrière les péripéties idéologiques dont la
guerre et les médias font partie, qui est vraiment du bon ou du mauvais côté
de l'universel... Nous les Occidentaux sommes du bon côté de l'universel.
Honneur à ceux qui sont tombés du mauvais côté. Honneur, et non pas
compassion. Pas de compassion pour les victimes, mais pas de pitié pour les
autres.

J.B." 
 
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